Ma césarienne: un accouchement raté ?
Départ vers la césarienne non désirée
Un 7 août, par une chaleur caniculaire, je me suis dit qu’une petite douche fraîche me permettrait de soulager des contractions qui se faisaient de plus en plus intenses. Je n’en pouvais plus! Dans 3 jours, ma grossesse arrivait à son terme et j’oscillais entre agacement et excitation. Malgré tous mes efforts pour accélérer sa venue (j’aurais tellement aimé qu’il arrive fin juillet pour mon anniversaire), monsieur bébé préférait rester blotti au chaud, la tête en bas et les pieds dans mon estomac. Après quelques minutes, et à la faveur de cette douche salvatrice, c’est le flux de mes eaux qui à son tour, se déversait sur mes cuisses encore humides. Ma première pensée fut: « c’est tout ! » Comme à Hollywood, je m’attendais aux chutes du Niagara ; mais non, c’était juste une petite « miction » qui s’écoulait tranquillement et sûrement. J’ai appelé la maternité qui n’avait pas l’air très inquiète m’indiquant de me préparer calmement pour être admise à 19h, 3h plus tard. Je préparais sur le pas de la porte ma valise de naissance terminée une semaine plus tôt (je sais, c’est pas bien…), mes alèses pour le taxi (on ne sait jamais, si les chutes du Niagara ou le bébé arrivaient ?…), et tous les accessoires rassurants pour m’accompagner dans ce « once in a lifetime event »* (Évènement qu’on ne vit qu’une seule fois). Ma hantise, à ce moment-là, était que le chauffeur de taxi refuse de me conduire à la maternité (oui ça arrive…) mais il fut très bienveillant et nous conduisit en moins de 20 min à notre destination.
À la maternité, quelques heures avant la césarienne
Arrivée à la maternité, masquée (protocole COVID oblige), et chargée comme une mule, on m’indiquait l’étage des salles de naissances tout en prenant ma température. Quelle chaleur, au moins 40° C. à l’extérieur…. Sur commande des sages femmes d’accueil, je m’installais sur un des lits de monitoring, prête à vivre le moment le plus important de ma life. Je me sentais bien mis à part quelques contractions. J’avais vu que le monitoring oscillait entre 2 rythmes cardiaques différents sans trop m’inquiéter. Une demi-heure plus tard, une des sages femmes d’accueil revint me voir et me signala que le rythme cardiaque du bébé était trop lent, qu’il était sûrement en détresse et qu’on allait me préparer pour la péridurale (en vue d’une césarienne ?). « Mais comment ça, c’était pas le projet, en plus je me sens bien » pensais-je sans oser rien dire. Je sentais que quelque chose n’était pas claire, mais je me soumis à la décision sans appel des deux sages femmes. Les choses s’annonçaient plus compliquées que prévu.
Vous avez dit « péri »…
Transférée dans une salle d’accouchement à la chaleur étouffante sans clim, et sans ventilateur (vive la maternité des L., vous me rappellerez de ne plus accoucher l’été, ou là d’ailleurs), j’accueillais cette fois la bienveillance de la nouvelle (la 3e) sage femme et de ma sœur (Thank God for her!) et de toute l’équipe qui suivit d’ailleurs. L’anesthésiste après une heure d’attente arriva, vieux de la vieille ayant dépassé largement l’âge de la retraite. Et bientôt, l’engourdissement de mes membres inférieurs. Je demandais à la gentille sage femme comment allait le bébé, et elle me répondit qu’il allait bien, et qu’elle ne voyait pas de détresse ( WTF, quoi ..), et ce rythme sur le monitoring c’est quoi ? Lui demandais-je, « ah c’est le vôtre, ça arrive que l’appareil confonde » (donc c’était pas celui du bébé, WTF @%*…). J’étais donc dans une salle d’accouchement à la chaleur volcanique, en travail, nu comme un ver braisé, avec une péridurale non nécessaire et pas choisie, à cause d’un monitoring mal lu, et dans un projet de naissance qui n’était pas le mien. Bon…. Résilience oblige, je me remis dans les starting blocks de super maman et ma sœur en bonne doula* (accompagnatrice professionnel de grossesse holistique, non professionnel de santé) improvisée me donnait tous les conseils qui me permirent de rester zen, et d’essayer de faire avancer le travail.
Malgré tous mes efforts (Dieu sait que j’ai été au bout du bout de mes ressources comme une reine), la nuit avançait sans que mon col ne se dilate suffisamment. Je sentais mon bébé moins tonique que d’ordinaire (ben oui, il était anesthésié), je voyais le truc arriver gros comme une maison hantée : « Césarienne, ouhouh, césarienne ». L’effet de la péridurale disparaissait dans mon bassin, et mon travail n’avançait pas, et j’étais toujours dans cette chambre à 45° C., sans pouvoir boire une goutte d’eau, alors qu’on m’avait pourtant assurée qu’on m’amènerait un ventilateur ou qu’on ferait un switch avec une autre salle. « Péri » rebelote injection. Et après 14h passées dans cette salle, je finis par pousser une gueulante polie (et justifiée!)…. On m’amena dans une salle d’accouchement « grand luxe » climatisée (enfin…) mais maintenant j’avais froid…
La Naissance
Comprenant que la situation n’était pas bonne et que mon rêve d’accoucher (par voie basse) s’éloignait comme un petit point sur l’horizon, je signalais aux adorables sages femmes que je ne sentais plus l’effet de l’anesthésie…(j’aurai mieux fait de me taire). La dose de cheval (la 3e) que la nouvelle anesthésiste m’administra, m’envoya vers un état second auquel je n’étais pas préparée : grelots frénétiques, fatigue intense, mes yeux qui se révulsaient, je sentais moi-même que je partais, que j’étais à bout de force, et le regard de ma sœur en disait long sur mon état (elle dût sortir de la salle pour se recomposer). Je vivais les effets secondaires de « Péri ». Les deux sages femmes firent tout ce qu’elles purent pour m’aider à accoucher naturellement mais sans succès, mon bébé me remonta violemment dans l’estomac…. Et Là, il ne s’agissait plus de moi ou de ma vision pour cette naissance, il fallait sortir ce bébé, mon bébé d’amour, sain et sauf.
On m’amena au bloc dans un claquement de dents frénétiques. Je basculais dans un autre monde aux lumières aveuglantes et au personnel soignant beaucoup plus racisé (pause, une expiration) : j’avoue m’être sentie rassurée, à cet instant où je me sentais mourir…. L’obstétricien, distribuant quelques blagues pour me détendre, commença la découpe que je ressentis dans les moindres détails. Je n’avais plus d’énergie ni pour crier ni pour quoi que ce soit d’ailleurs. Ma sœur filmait et m’apportait tout son soutien (pour lequel je lui serai éternellement reconnaissante). Le 08/08, mon bébé K., naissait, le cordon autour de la cheville. Les premiers mots de la sage femme furent « Quel Beau gosse », il pleura quelques secondes à peine, les yeux grands ouverts et m’accueilla avec un « Hey » et un hochement de tête. Soulagement (expiration)…. il allait bien. Le peau à peau se fit avec ma sœur, qu’il accueilla avec le même « Hey » tandis qu’on s’occupait de mon hémorragie, et qu’on me recousait. Je restais en salle de réveil un bon moment avant de pouvoir rejoindre mon bébé.
Heureuse mais déçue… Cette césarienne m’a été imposée
Même si j’étais très heureuse de rencontrer mon bébé en bonne santé, et que je ne remercierai jamais assez l’équipe médicale du bloc opératoire, cet accouchement avait et a aujourd’hui, encore, un goût d’inachevé. De fait, je n’ai pas accouché et je n’expérimenterais probablement jamais un accouchement par voie basse. Je m’en suis voulue d’abord de ne pas avoir dis non aux 1ères sages femmes concernant la péridurale : peut-être aurais-je pu gagner du temps, et peut-être se seraient-elles rendues compte de leur erreur ? J’en ai voulu à mon corps de ne pas avoir réussi à assurer cet acte vieux comme le monde, encodé dans nos ADN malgré la péri. J’en ai voulu à la maternité dont le niveau de désorganisation, cet été là, était sans appel (il y avait des abeilles dans la nurserie à cause d’un essaim non traité, et je suis restée coincée à la maternité 6 jours à cause d’un manque de médecin pour valider ma sortie). Après mes larmes d’impuissance, les premiers mots que je réussis à exprimer furent : » J’ai raté mon accouchement » avec sa kyrielle de « j’aurai dû ». Je vous avoue que cette pensée pendant plusieurs mois après mon accouchement me mettait dans des états de tristesse profonde qui s’ajoutait au fameux « baby blues » inéluctable. Aujourd’hui, j’ai toujours cette petite boule, ce petit nœud à l’estomac quand j’y pense… Et je crois, si je suis totalement honnête avec moi-même, n’avoir pas fait le deuil de mon accouchement naturel rêvé.
Leçons de vie : Advocate for yourself*
A l’hôpital, j’ai le sentiment qu’on envoie trop facilement les femmes, au-dessus d’un certain âge, ou racisée sur la table d’opération : le temps, c’est de l’argent; des lits occupés trop longtemps font perdre de l’argent, tandis qu’on manque de personnel. Alors, on fait le choix de ne pas prendre le temps d’écouter, et d’accompagner, je suppose.
Malgré ma déception, cette situation a été une expérience enrichissante qui m’a appris que :
1. Même quand la situation semble critique, j’ai le choix. Je ne laisse pas les autres décider à ma place.
2. Il faut se renseigner en amont pour reconnaître les situations ambiguës, et s’y préparer afin de pouvoir défendre sa décision, ses intérêts, en cas de problème, auprès des équipes médicales.
3. Le choix éclairé de l’établissement de santé ou du lieu où l’on donnera naissance n’est pas à prendre à la légère. Il faut absolument se renseigner de façon exhaustive pour accoucher dans les meilleurs conditions possibles avec une équipe médicale choisie, qui connaît votre projet de naissance, et qui accepte de vous accompagner, même si c’était difficile d’arriver à ce niveau d’accomplissement durant la pandémie du COVID 19.
On ne le dit jamais assez mais les équipes médicales ne sont pas Dieu, ce sont des êtres humains avec leurs forces et leurs faiblesses qui ne sont ni à l’abri de faire des erreurs vu leur charge de travail insurmontable, ni à l’abri de leurs biais ethnico-sociaux, alors Mamans Noires, s’il-vous-plaît, Advocate for yourself* (Prenez la parole pour défendre de vos intérêts).
Et vous, avez-vous vécu l’accouchement de vos rêves ?
2 commentaires sur “Ma césarienne: un accouchement raté ?”
Les commentaires sont fermés.
Merci infiniment pour ce partage d’expérience!
Tu es une femme courageuse!!
Merci chère Jeanne très touchée…. Tu es la 1ère à commenter. 💕