Vous avez dit « Doulas » ? Mais qui sont-elles ?
J’ai entendu parler de «Doula» pour la 1ère fois, il y a plus de 20 ans, dans une série américaine où une des protagonistes, enceinte, se faisait accompagner par une femme Doula. Par la suite, le terme «Doula» m’est devenu encore plus familier lorsque la grande Erika Badu aka « Badoula », chanteuse néo-soul multi-récompensée, légende de la Soul afro-américaine, annonçait en 2001 qu’elle était devenue Doula après avoir fait l’expérience d’un accompagnement de 42 heures à domicile, du couple hip hop Dead Prez, Stic et Afya, qui accouchait de leur fils. Cette annonce, dans un milieu hyper bling bling et souvent superficiel, a donné à Erikah Badu une aura quasi sacrée auprès des fans. D’ailleurs, je ferai sûrement un article sur la Queen « Badoula » qui entre-temps est aussi devenue sage-femme certifiée et accompagnante de fin de vie en plus de sa carrière artistique.
Mais revenons à nos bébés, qu’est-ce qu’une doula, vous vous demandez ? Commençons par le début.
Les Origines de la Doula en Grèce Antique
Doula est un mot signifiant « femme esclave ». Dans notre contexte ethnico-social vous me direz : ça commence mal…Non ne vous inquiétez pas, continuons vous allez voir, ça se termine bien. C’est donc celle qui est obligée aux soins de sa maîtresse et naturellement aux soins de la grossesse, de l’accouchement et aux soins post-partum de celle-ci. D’ailleurs partout dans le monde et ce depuis la nuit des temps, il y a traditionnellement une femme de la famille ou locale qui prend le rôle d’accompagnante de naissance : on les appelle « femme-qui-aide » ou « laveuse » (qui aide aussi au passage à la mort) en France, Compagne de naissance en Angleterre, ou aux Etats-Unis.
Les Doulas aux États-Unis
Le terme « Doula » apparaît, dans son sens moderne, en 1969, repris par les co-fondatrices du centre de lactation humaine de Westport (Connecticut), Dana Raphaël et Margaret Mead, dans leur étude anthropologique. L’idée était que depuis la nuit des temps toutes les femelles étaient accompagnées d’une femelle de la même espèce pour mettre bas. Ainsi, il en était de même dans les sociétés humaines où ce rôle était traditionnellement endossé par une femme de la famille ou une proche dont la présence bienveillante favorisait un allaitement réussi et prolongé. Dana Raphaël trouva que le terme Doula qui lui avait été transmis par une femme âgé grecque décrivait bien la réalité de ce rôle. Plusieurs autres études généralisèrent l’utilisation du terme, qui fut totalement adopté avec la professionnalisation des Doulas qui créeront en 1992 l’Association des Doulas d’Amérique du nord (DONA international), et avec l’ entrée du mot, en 2003, aux dictionnaires américains.
La doula, au départ, est juste décrite comme une accompagnante à l’accouchement. Cette définition va s’étendre progressivement et le métier de Doula va se professionnaliser et décrire une professionnelle non professionnelle de santé, qui accompagne des femmes enceintes et leur famille avant, pendant, et après la grossesse pour leur permettre une expérience prénatale, natale et post-natale positive et rassurante. Certaines Doulas finiront par même inclure toutes les expériences de grossesse, y compris les avortements dans leur spectre d’accompagnement, revenant au rôle plus traditionnel d’accompagnante de vie et de mort des « laveuses »: c’est ce qu’on appelle les « full spectrum doulas »*.
Les Doulas en Europe
C’est au début des années 2000 que le métier de Doula apparaît, se professionnalise, et se fédère grâce à des organisations qui encadrent les doulas au travers de formations certifiés et continues, et de chartes éthiques strictes, cette profession étant non réglementée : l’Association des doulas du Royaume-Uni est créée en 2001, l’Association des doulas d’Allemagne est créée en 2008, celle des doulas de Belgique en 2007, celle des Doulas d’Italie en 2010, et les Doulas d’Espagne s’organise en association en 2011. En France, c’est à partir de 2003 que les 1ères réunions se tiennent, pour aboutir en 2006 à la création de l’association Doulas de France (DDF) qui promeut et forme des doulas sur tout le territoire. Il faudra attendre 2011 pour que le terme rentre dans le dictionnaire. Aujourd’hui, il est possible d’être accompagnée par une Doula partout en Europe et même par des « doulos » puisque la profession s’est ouverte aux hommes qui se spécialisent souvent dans l’accompagnement des pères et des couples.
En Afrique et dans les cultures africaines
Le rôle de la « Doula » est vieux comme le monde, et prend donc son origine à la source qu’est le continent mère. Ce rôle prend des visages aussi nombreux que les cultures du continent concernant la maternité. Mais il y a une chose commune à toute l’Afrique, c’est que ce rôle peut être tenu par une ou plusieurs femmes de la famille et/ou de la communauté appelée(s) « marraine(s) », et exclus, traditionnellement, les hommes qui ont un rôle de protecteur à distance. Cet accompagnement non professionnel mais culturel, intègre une dimension spirituelle par les nombreux rituels et croyances (« affilés », « bouteilles vides pour souffler », etc), passages obligés pour préparer la venue de la nouvelle âme, et assurer protection aux bébés et à la mère. Ces « marraines » accompagnent la mère avant, pendant et après la naissance. Après la naissance, elles restent avec la mère qui a obligation de s’isoler entre 14 et 40 jours selon les ethnies. Elles prodiguent au(x) bébé(s) et à la mère tous les soins et rites nécessaires à leur bonne santé (bandages, massages, fumigations, lavements, préparations de repas spécifiques, incantations, etc..). Bien sûr de nombreux pays d’Afrique ayant été colonisés, il est facile de trouver des pratiques occidentalisées concernant l’accouchement notamment dans les établissements de santé, et donc des doulas. D’ailleurs, depuis plusieurs années, le mouvement des doulas se popularise sur le continent, et de plus en plus d’accompagnantes africaines poussées par les organisations internationales vont se former à l’étranger, complétant parfois les savoirs acquis dans leur pratique traditionnelle et ancestrale. Il y a également de rares hommes doulas, des « parrains » qui s’occupent de l’accompagnement des pères.
Quels sont les bénéfices de l’accompagnement d’une Doula pour votre projet de naissance ?
Avec la surmédicalisation des accouchements en Occident depuis les années 60 et l’abandon des rôles traditionnels de « femme-qui-aide », les futures mères se sont retrouvées seules face aux gestes techniques de professionnels de santé parfois froids, distants, et même violents et déshumanisants. Dans ce paradigme, le professionnel de santé accouche la femme (position gynécologique, allongée, non adaptée) au lieu de la laisser accoucher. Être accompagnée d’une doula peut amener plus de sérénité aux futurs parents dans leur parcours de grossesse, en grande partie parce que c’est une professionnelle qui a et qui prend le temps de vous écouter et de répondre à vos questionnements: elle est un soutien éclairé.
M’étant sentie très seule durant cette 1ère grossesse (confinement Covid, problèmes avec le papa, changements professionnels), j’aurai adoré être soutenue et guidée par une doula qui me ressemble. L’idée d’une prise en charge holistique, personnalisée, rassurante et bienveillante par une « cheerleader » de la naissance fait absolument partie d’un projet de grossesse rêvé pour moi. La doula peut accompagner, à toutes les étapes du projet de maternité (y compris au moment de la conception, ou en cas de décision d’interruption volontaire de grossesse). C’est une présence non négligeable surtout lorsqu’on n’a pas de femmes proches et expérimentées pour tenir ce rôle, et que l’on sait que les systèmes de santé occidentaux sont souvent moins tendres avec les femmes, et encore plus lorsqu’elles sont racisées. Avoir une professionnelle pour appuyer et défendre votre projet de naissance face à des équipes médicales qui parfois, n’écoutent pas, peut être vitale et salvateur, surtout dans la dynamique du « Advocate for yourself* (Prenez la parole pour défendre vos intérêts). Je n’ai pas eu la chance d’avoir une doula mais j’ai eu ma sœur, qui a été une coach de naissance parfaite lors de mon accouchement. J’aurais juste souhaité qu’elle soit là lorsqu’on m’imposait la péridurale.
Combien ça va me coûter ?
Cette profession n’étant pas réglementée, il n’y a donc pas de tarifs harmonisés, mais il y a définitivement un budget « bien être » à prévoir pour leurs services. Les doulas fixent leurs tarifs en fonction de leurs charges et du niveau de prestations qu’elles offrent. Il faudra compter en moyenne, entre 40 et 100 euros pour des séances individuels en cabinet, à distance ou à domicile, et entre 200 à 400€ pour une présence à l’accouchement. Beaucoup de Doulas proposent des forfaits qui peuvent être un beau cadeau collectif de naissance pour les futurs parents. Ces prix sont sensiblement les mêmes dans toute l’Europe, majoré du coût de la vie, et en Amérique du Nord, ces prix sont doublés , voire triplés selon les régions. A savoir, il est possible de trouver, dans le monde entier, des programmes d’accompagnement à la naissance gratuit soit par des doulas en cours de certification et qui ont besoin d’expérience, soit dans des organismes humanitaires ou communautaires qui offrent un nombre de places limités.
Comment trouver une doula ?
Si vous êtes au village, pas de souci la communauté, la famille vous dirigera vers une « marraine » qui pourra vous accompagner. Si vous êtes en ville ou en Occident, vous pouvez taper tout simplement doula + votre ville dans le moteur de recherche internet, ou consulter les annuaires professionnels des associations de Doulas de votre pays. Enfin, si vous souhaitez être accompagnées par une doula qui vous ressemble, il faudra être smart et croiser les informations. Au bas de cet article, je vous mets un lien vers un petit annuaire maison de doulas afros. Je remercie Danielle Yuku-Dogbe, Doula afro et thérapeute, qui m’a transmis les noms de deux autres de ses collègues. D’ailleurs, n’hésitez pas à me transmettre les coordonnées de Doula « mamans noires » que je complète cette liste.
Précautions
La profession n’étant pas réglementée, faîtes confiance à votre instinct, et vérifiez toujours le curriculum de l’accompagnante qui va vous prendre en charge. Vous pouvez également regarder si elle est inscrite dans l’annuaire de l’Association de Doulas du pays dans lequel vous vous trouvez. Adhérer à ces organisations professionnelles n’est pas une obligation mais ce peut être un gage d’engagement éthique, et d’un cadre professionnel bien défini.
Attention, prévenez toujours les équipes médicales, ou la sage femme qui vous prendront en charge, que vous souhaitez être accompagnée d’une doula. En effet, malgré les études scientifiques et méta-analyses sérieuses démontrant que la présence d’une doula permet de réduire le nombre d’interventions médicalisées et donc d’améliorer le bien-être de la maman et du bébé, et leur taux de survie, elles ne sont malheureusement pas toujours les bienvenues.
Et vous, une doula, ça vous tente ?
Le petit annuaire des Doulas Afros, c’est par
ici
Pour en savoir plus sur les doulas…
Site de l’Association Doulas de France _ doulas.info
Page Facebook de l’Association Doulas de France _ www.facebook.com/DoulasDeFrance
Site de l’institut de formation Doulas de France _ formationdoulas.fr
Site du réseau des doulas d’Europe _ www.europeandoulanetwork.org
Site de l’association des doulas noires américaines _ https://www.blackdoulas.org